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Liégeois célèbres Portraits

« Marie Doutrepont, une étoile liègeoise »

Pour la dixième fois, Marie Doutrepont organisait les Hivernales de la Danse, un gala de danse unique en son genre devenu un évènement incontournable.
Rencontre avec une passionnée dont le parcours laisse bouche bée.

Marie Doutrepont © Les Hivernales de la danse

C’est à Ma Ferme en Ville, son magasin/cantine promouvant de jolis produits de saison, que le rendez-vous est fixé. Vêtue d’un éclatant manteau orange, Marie Doutrepont m’y accueille avec le sourire et commence par me raconter son incroyable parcours. « J’ai commencé la danse pour m’occuper le mercredi après-midi, comme beaucoup de petites filles. J’y ai rapidement apprécié la rigueur, la discipline que cela nécessitait : c’était carré. J’ai eu la chance d’être douée et dotée de certaines qualités intrinsèques qui m’ont donné envie de m’y investir », se souvient-elle. Après un sport-études à l’Académie Grétry où les heures de danse étaient très nombreuses, Marie rejoint le Ballet de Flandre. Elle y dansera pendant plus de deux ans avant de prendre la direction du Ballet du Capitole, à Toulouse et puis de traverser la Manche pour évoluer durant cinq ans au sein du prestigieux Royal Ballet à Londres. « Ce furent cinq années magiques dans une des meilleures compagnies du monde. Les danseurs y sont perfectionnistes mais il y a moins de stéréotypes et davantage de liberté et de richesse dans la diversité qu’à l’Opera de Paris qui est plus cadenassé », se remémore-t-elle. « Et puis, j’adore Londres, la langue anglaise, le flegme et l’humour britanniques. »

Après un retour au Ballet de Flandre pour deux ans, Marie décide, à vingt-huit ans, de mettre un terme à sa carrière de danseuse. « Il est possible de continuer à danser jusqu’à quarante-ans mais je n’en avais plus l’envie », me dit-elle avant de briser les clichés qui entoure un milieu aussi compétitif que finalement peu connu du grand public. « Bien sûr, être danseuse nécessite une certaine hygiène de vie – comme pour tous les sportifs – mais ce n’est pas non plus aussi intransigeant que ce que l’on peut voir dans des films comme Black Swan. Il y a des impératifs – gérer la fatigue, son énergie – mais ce n’est pas un rythme de vie insupportable et la compétition, bien que présente, y est souvent bienveillante. »

Arrivée à une forme de saturation, celle qui est originaire d’Olne, décroche totalement ou presque de la danse et enchaîne les jobs, saisissant chaque opportunité qui se présente à elle, sans plan de carrière. « Je n’ai jamais cherché du travail, cela s’est toujours fait naturellement », me confie-t-elle. « Je suis une optimiste, je crois en l’avenir et que rien n’arrive par hasard même si, quand le chemin est parsemé d’embûches, je dois souvent me le répéter (rires). »

Après avoir notamment vendu du yaourt et des espaces publicitaires ainsi que travaillé dans un casino, Marie ouvre Ma Ferme en Ville. « J’ai grandi à la campagne et, enfant, j’ai toujours été habituée à aller au marché, à ramasser les légumes, à croquer une tomate chaude pour la goûter », continue-t-elle. « J’avais ce projet en moi depuis longtemps avec la volonté de mettre plein de beaux produits en valeur. » Fondée peu avant l’apparition du Covid, Ma Ferme en Ville n’en demeure pas moins un établissement original qui a rapidement su trouver son public pour faire indubitablement partie des fleurons de la ville et de la rue Souverain Pont.

« Je me suis réveillée un matin en voulant organiser un gala ! »

© Les Hivernales de la danse

Mais avant de se lancer dans l’Horeca, celle qui partage la vie de Gaby Caridi, patron de Pinart le Bistrot et de Mio Posto, s’était replongée dans son domaine de prédilection. « Je me suis réveillée un matin, en vacances près de Cannes et je me suis dit que j’allais organiser un gala », se souvient avec malice celle qui s’occupait déjà de stages de danse. Le parcours du combattant pouvait commencer! « Les gens ne comprenaient pas vraiment ce que je souhaitais faire et je fus prise un peu à la légère par tout le monde. »

Grâce à son carnet d’adresse bien rempli, Marie parvient à convaincre des danseuses et danseurs talentueux de venir se produire à Liège pour la première édition des Hivernales de la Danse, il y a tout juste dix ans. « Je savais bien quelles pièces je voulais, vers quoi je voulais aller. C’était une pression de dingue et beaucoup de risques car les budgets sont énormes. Heureusement, le public fut au rendez-vous dès le départ », m’explique cette passionnée. « Et chaque année, cela reste un challenge aussi difficile qu’excitant de parvenir à organiser un tel gala. »

Abattant seule la majeure partie du boulot, Marie a toujours eu une idée assez précise de ce qu’elle voulait proposer. « Plusieurs styles doivent être représentés mais pas de la danse contemporaine expérimentaliste. Je ne suis pas fan des trucs bizarres », rigole celle qui appréciait tout particulièrement danser sur Le Lac des Cygnes et la Bayadère – « ils offrent beaucoup de possibilités pour le corps de ballet », justifie-t-elle – et admirer Giselle. « Je vois avec les artistes ce qu’ils ont de « stock » ou ce qu’ils peuvent créer de spécifique pour Les Hivernales afin qu’il n’y ait pas de tableaux trop similaires. »

Ayant décidé d’implanter son gala à Liège – « par sécurité car je connais la ville », précise-t-elle – au grand dam de certains de ses partenaires, Marie a réussi à créer un évènement unique en son genre en Belgique et qui draine un large panel d’amateurs. « Je suis très exigeante et je sais que le public liégeois est spécifique. Certaines choses qui peuvent plaire dans d’autres métropoles ne rencontreront pas forcément l’adhésion dans notre Cité ardente et inversement », assure celle qui, volontairement, n’annonce pas le programme des Hivernales mais uniquement les danseuses et danseurs bookés pour l’occasion. « Ainsi, les spectateurs s’installent, n’attendent rien de particulier et savourent davantage certaines découvertes. Ils viennent pour les Hivernales et pas pour une pièce en particulier. Cela génère certes peut-être un peu de frustration en amont et diminue un peu notre ticketing mais c’est une démarche personnelle que j’assume et qui permet au public de mieux profiter de la diversité qu’offre le spectacle. Cela a aussi un aspect « éducatif » qui fait sens. »

« Un fort engouement »

© Les Hivernales de la danse

C’est vraiment à partir de la septième édition que Les Hivernales de la Danse ont trouvé leur rythme de croisière. « Il y eut un super élan et un fort engouement pour les places. Le gala s’est tenu à guichets fermés », se rappelle Marie qui a la chance de pouvoir compter sur une clientèle particulièrement fidèle. « L’évènement est attendu, l’ouverture de la billetterie est toujours un moment excitant et les places se vendent très bien les deux ou trois premières semaines. » Malheureusement, le Covid faisait alors son apparition, plongeant la société tout entière dans un confinement généralisé et obligeant l’ancienne danseuse à annuler à la dernière minute la huitième édition et, ensuite, à repousser à décembre la neuvième. « J’ai eu la grande chance que mes partenaires m’aient suivi. Sans ça, je mettais la clé sous la porte », reconnait-elle.

C’est donc seulement quelques mois après la neuvième édition que Les Hivernales de la Danse fêtèrent leur dixième anniversaire, les onze et treize mars derniers au Manège Fonck. Pour l’occasion, le casting fit à nouveau rêver avec cinq

« Etoiles » – l’élite des danseuses et danseurs – et des artistes venus d’Angleterre, de France, des Pays-Bas et d’Allemagne. Pour la première fois, un Prix – le Prix des Hivernales – fut décerné à des jeunes talents ayant remporté ce tout nouveau concours international. Petite particularité, ce furent les danseuses et danseurs des Hivernales qui composèrent le jury. « C’est la chance pour les participants d’être vus et jugés par la génération actuelle », souligne Marie. « Les élèves ont besoin d’avis pertinents, d’être évalués sur leurs performances pour ensuite être orientés du mieux possible vers le style et l’école qui pourraient le mieux leur convenir. »

Un beau tremplin pour ces talents en herbe qui pourront, avec les récompenses obtenues, partir notamment en stage d’insertion dans de prestigieuses compagnies. « La danse classique permet d’apprivoiser ensuite tous les autres styles pour ensuite évoluer selon ses envies, ses spécificités et ses aptitudes », me spécifie celle qui a eu la chance de beaucoup voyager durant sa carrière de danseuse. « Pour évoluer, il faut partir à l’étranger – en France, en Italie, aux Pays-Bas – car il n’y a pas vraiment de grandes écoles en Belgique même si celle du MOSA a vocation à devenir une école de haut-niveau. »

En attendant de rêver à une carrière sur les plus prestigieuses scènes du monde, les passionnées et passionnés de danse classique et contemporaine ont pu se donner rendez-vous à Liège pour cette dixième édition des Hivernales qui fut à nouveau un énorme succès.

Thiebaut Colot
Plus d’infos :
www.leshivernales.be
www.mafermeenville.be

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Architecture Portraits

« Un peu comme notre bébé »

Avec Miniatur, Louise Taquin et Benjamin Van Santen se consacrent à la création de très petits habitats comme le Pigeonnier, le « plus petit Airbnb du monde » qui fait déjà un carton.

C’est sur les bancs de Saint-Luc, durant leurs études en design industriel, que Louise et Benjamin se sont rencontrés. Très vite, le courant passe entre cette Montoise et ce Bruxellois devenus « des Liégeois de cœur ». Durant leurs années de master, l’idée de bosser ensemble germe dans l’esprit de ce sympathique couple. « Nous n’avions pas forcément envie de travailler pour quelqu’un et voulions nous lancer ensemble », m’expliquent-ils de concert. Comme sujet de mémoire, Benjamin opte pour les « tiny houses », ces (très) petits habitats mobiles, généralement montés sur une remorque. « Nous avons fait mon mémoire à deux et en avons profité pour faire toutes les recherches nécessaires et trouver un maximum d’informations pour nous lancer. »

À peine sortis des études, Louise et Benjamin se lancent dans la construction et l’aménagement de leur propre « tiny house » qu’ils installent à Méry, non loin de Tilff. « Nous y avons vécu dix mois et nous avons adoré cette expérience mais alors que la  « tiny » était tout juste terminée, elle fut ravagée par les inondations de juillet », pestent-ils. Qu’à cela ne tienne, les deux partenaires décident de la reconstruire. Mais avant, ils sont happés par un autre projet tout à fait iconoclaste : transformer un pigeonnier en Airbnb. « Nicolas Dembour était passé à vélo avec un de nos amis devant notre « tiny house » et nous a demandé de transformer le pigeonnier de son jardin pour en faire une sorte de maison miniature. »

Un fameux défi que ce couple créatif accepte immédiatement de relever – et avec brio ! « Nous avons tout fait de A à Z, notamment le mobilier », me précisent-ils. « Le pigeonnier avait une forme particulière et le premier challenge fut d’y mettre le lit. » La douche et puis la toilette – des formats standards – suivirent avant que Louise et Benjamin ne conçoivent le reste de l’habitat de façon aussi pratique que stylée avec, notamment, la porte des WC qui se transforme en table à manger, une poubelle commune pour les « wawas » et la cuisine ou un meuble présent sur les deux étages. « Nous avons tout conçu et réalisé sur place, sous une tonnelle devant le pigeonnier. Ainsi, nous avons pu tester nos idées directement et voir ce qui fonctionnait », me dit Benjamin. « Nicolas nous avait laissé carte blanche. »

Fidèles à leurs convictions, ces deux Liégeois d’adoption – qui apprécient la convivialité, la gentillesse et la simplicité des résidents de la Cité ardente – ont utilisé un maximum de bois ainsi que des isolants et des huiles naturels, propres et respectueux de l’environnement avec un style minimaliste, simple mais pas simpliste. « Cette démarche écologique nous tient à cœur », m’assurent-ils. Adeptes d’une certaine décroissance, leur démarche mérite d’être saluée. « Nous nous sommes intéressés au phénomène « tiny » car c’est l’occasion de devenir propriétaire sans trop devoir débourser et que le challenge de l’optimisation de l’espace est stimulant », me confient-ils. « Cela peut être un bon compromis dans une étape de vie et cela permet aussi d’éviter ce processus d’accumulation alors qu’il ne sera peut-être bientôt plus possible de construire à la campagne. »

Une véritable révélation pour Louise et Benjamin qui reconnaissent que si le concept « tiny house » est un peu extrême, tendre vers des habitats plus restreints deviendra nécessaire au fil du temps. « Aménager et concevoir de petits espaces de vie comme des studios, de petits appartements en ville, est un beau défi dans lequel nous voulons nous spécialiser, comme l’indique le nom de notre société : Miniatur », ajoute Louise.

Avec leur superbe pigeonnier, ce couple a attiré l’attention et capté une belle couverture médiatique. « Nous étions les premiers surpris de voir différents médias s’intéresser à cette réalisation mais ce fut une bonne expérience qui nous a aussi apporté de précieux contacts », reconnaissent-ils. « Nous retournons encore régulièrement voir le pigeonnier de Nicolas, c’est un peu notre bébé dont nous avons du mal à nous détacher. »

Outre les organes de presse et les chaînes de télévision, « le plus petit Airbnb du monde » a suscité l’intérêt des voyageurs qui n’ont pas tardé à réserver leurs nuitées, venant aussi bien de Gand que d’Allemagne ou des Pays-Bas. Un franc succès pour ces deux entrepreneurs qui – j’en prends le pari – n’ont pas fini de faire parler d’eux.

Thiebaut Colot

Crédit photo : Benoit Do Quang

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Art Portraits

« J’ai même déjà peint dans mon lit »

Sortie de l’Académie des Beaux-Arts en 2003, Caro Boulanger peint depuis près de dix ans des Vénus callipyges ultra colorées.

Très jeune, Caroline Boulanger se passionne pour le dessin. « J’étais toujours super contente quand je recevais des pastels ou des crayons de couleur », se souvient-elle. « Dès que j’ai su écrire, j’ai apposé mon nom partout dans la maison de mes parents. » À l’adolescence, elle rejoint Saint-Luc avant de poursuivre sa formation à l’Académie des Beaux-Arts. « Saint-Luc ouvre l’esprit artistique des élèves et leur apprend toute la technique – parfois de façon assez dure et rigide – nécessaire. L’Académie permet d’oser, de s’exonérer des règles – je me souviens qu’il fallait « jeter la peinture » – et de sortir du cadre », spécifie cette animatrice artistique dans les écoles.

Souvent, les proches de Caro – son nom d’artiste – soulignaient ses formes. C’est ainsi qu’elle décide de peindre des nus, principalement féminins, sorte de Vénus callipyges ultra colorées. « Je cherchais un sujet pour étaler la couleur – c’est ça qui me plaît – et c’est comme cela que je l’ai trouvé », sourit-elle. Les héroïnes de Caro n’ont jamais de visage. « Chacun peut ainsi s’identifier et j’essaie d’exprimer que la nudité est jolie, que les rondeurs sont positives et qu’il y a du beau partout. » Ses tableaux sont des explosions colorées et un vrai remède à la morosité ambiante.

Notre interlocutrice, grande amatrice de Street Art, ne peint pas tous les jours mais quand elle en ressent l’envie ou le besoin. « Ça me prend comme ça. J’ai même déjà peint dans mon lit. Mais cela revient cher en draps de lit », rigole-t-elle. « Peindre est une passion, comme d’autres aiment la cuisine ou le jardinage. Quand je peins, je suis détendue, je ne vois pas le temps passer. »

Difficile aussi pour Caro de décider quand une toile est terminée. « J’arrête quand je vois que cela me plaît mais je passe rarement plus de deux jours sur une toile. À vrai dire, c’est un processus assez naturel et fun, je ne me pose pas trop de questions », lance-t-elle.

Grâce à Facebook, cette artiste liégeoise résidant dans une petite impasse a pu faire connaître son travail, échanger avec des passionnés et faire admirer ses œuvres, notamment récemment à l’Espace Gothier. « C’est toujours agréable de pouvoir discuter et d’avoir des retours positifs », ajoute Caro qui ne serait pas contre davantage exposer mais toujours à sa manière : sans se prendre trop au sérieux.

Thiebaut Colot

Plus d’informations : www.facebook.com/caro.boulanger.75

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Art Portraits

« Peindre est un réel besoin »

Arrivé par hasard à la peinture, Jean-Michel Dubuc est l’auteur d’une production aussi singulière qu’attrayante. Rencontre avec un autodidacte passionné.

C’est juste à côté de l’ancienne clinique Saint-Joseph, dans un bâtiment mis à disposition d’artistes par l’ASBL RhizHome, que Jean-Michel Dubuc me reçoit. Il m’entraîne au fond de la bâtisse, dans son atelier. « Cette cellule est assez monacale mais cela me permet de me consacrer exclusivement à ma peinture, sans aucune source de distraction », me précise ce Cointois que rien ne prédestinait à une trajectoire artistique. Ancien joueur de handball, professeur d’éducation physique, Jean-Michel a toutefois toujours apprécié la décoration et la photographie. « J’ai commencé par faire des pochoirs, de petites peintures et, assez vite, je me suis pris au jeu », me confie-t-il.

Une passion qui n’a fait que grandir au point d’occuper une place centrale dans l’existence de ce fringant quinquagénaire. « Si je pouvais ne faire que peindre tous les jours, ce serait fantastique », m’avoue cet autodidacte. « C’est comme une thérapie. Cela me déstresse, me permet de me libérer complètement, sans aucune restriction. » Et d’ajouter : « Quand je suis avec mes « outils », je ne vois pas le temps passer, je suis complètement immergé et je peux rester plusieurs heures sans boire ou manger. »

Le travail de Jean-Michel est axé sur la couleur avec un accent mis sur la spontanéité. « Ce que je produis est souvent le résultat d’un premier jet, je n’affectionne pas forcément revenir à un tableau car le « mood » n’est plus le même. Il y a parfois comme une forme d’urgence », me confie ce passionné qui peint à plat et souvent sur des plaques d’aluminium. « Avec la peinture, c’est comme si je déconstruisais d’abord le support avant de le reconstruire et d’inventer une autre histoire. Je choisis les couleurs de fond et puis j’en ajoute d’autres sans jamais savoir quel sera le résultat final. »

Les œuvres de Jean-Michel – volontairement sans titre, « chacun peut ainsi y voir ce qu’il veut », me précise-t-il – sont singulières et attirent l’œil au premier regard avant de nécessiter une immersion plus profonde pour en déceler les détails et les histoires qu’elles racontent. « Cela pourrait être qualifié d’art abstrait, d’expressionnisme abstrait ou peut-être d’action painting car c’est assez physique et que j’essaie de réfléchir le moins possible », tente cet artiste, profondément humble et sincère, dans l’exercice toujours compliqué de la propre description de son travail. « Peindre est en tout cas un réel besoin. »

Comme le concéderont aisément tous les artistes, le parcours est souvent semé d’embûches et de moments de doute. « Mes quatre enfants sont mes premiers spectateurs et ne sont pas toujours tendres », rigole Jean-Michel. « Je peins d’abord pour moi, avec l’envie de créer de nouvelles choses, de véhiculer des émotions mais c’est aussi important d’avoir des retours. Pour cela, alors que le Covid a chamboulé la tenue des expositions, les réseaux sociaux sont très intéressants. »

Conquis par Soulages ou Rothko, se nourrissant aussi de ce qu’il découvre sur internet, celui qui a débuté voici un lustre environ, se plaît à sortir des carcans, utiliser ses couleurs et partager ses émotions. Une mission qu’il réussit avec talent.

Thiebaut Colot

www.facebook.com/jeanmichel.dubuc.1

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Insolite Portraits Théâtre

« Un rôle de transmission »

À Liège, le Théâtre de marionnettes est une véritable institution qui ravit les enfants avec des spectacles aussi drôles qu’éducatifs. Rencontre avec Anthony Ficarrotta, celui qui œuvre derrière la scène.

C’est par une de ces journées où il ne pleut qu’une seule fois que je me rends au Musée de la Vie Wallonne pour y rencontrer Anthony Ficarrotta. Dans ce magnifique bâtiment, ce jeune homme de trente-trois ans – « les gens sont toujours surpris par mon âge, ils imaginent quelqu’un de plus vieux », sourit-il – m’invite à pénétrer dans son antre et à découvrir l’envers du décor.

Les marionnettes, ce Liégeois baigne dedans depuis tout petit. Son papa y a fait carrière et lui-même y a bossé comme étudiant. Après des études en Communication et quelques années comme correspondant pour Sudpresse, il est devenu responsable du Théâtre de marionnettes en 2016-2017. « Je n’ai pas vraiment l’impression de travailler. J’arrive à chaque fois heureux. C’est un métier qui sort de l’ordinaire », me confie-t-il. C’est que sa fonction est très diversifiée. Chaque année, Anthony joue entre deux cents et deux-cent-cinquante spectacles lors de représentations privées et publiques, écrit les nouveaux textes et sculpte les marionnettes dont il a besoin.

« La sculpture, c’est un long cheminement, il faut s’accrocher. Au début, logiquement, j’étais très mauvais. J’ai beaucoup observé pour comprendre comment aborder la matière et j’ai progressé au fil du temps », constate-t-il. « Quand j’étais à l’étranger, j’emmenais constamment ma compagne dans les musées et les églises pour observer les statues. Et durant une période, je scrutais les arcades sourcilières des passants car je bloquais là-dessus (rires). » En observant les récentes productions de ce joyeux drille, je reste bouche bée devant la finesse du travail accompli.

Avec une très belle collection dont les inévitables Tchantchès et Nanesse – « ce sont souvent eux les vedettes des spectacles et grâce à eux que le message va se transmettre », me spécifie Anthony – ainsi que de constantes nouvelles figurines, le Théâtre de marionnettes est presque un musée à lui tout seul, certaines pièces étant d’ailleurs exposées. Quant aux spectacles, ceux-ci aussi sont nombreux. « Je tourne avec une quarantaine d’histoires par année. Il y a évidemment les incontournables, notamment en fonction du calendrier, et des intemporelles. Et puis il y a de nouvelles créations car le public – qui vient parfois de loin – se renouvelle constamment. »

Anthony puise son inspiration partout autour de lui, remanie à sa sauce certains grands classiques ou aborde des thèmes plus contemporains comme la malbouffe, par exemple. « Il faut s’adapter à l’époque et à l’évolution de la société », assure ce passionné dont les yeux pétillent lorsqu’il parle de son métier. « Cela doit rester un spectacle familial, accessible aux cinq-douze ans, avec une histoire simple et drôle mais aussi avec un double niveau de lecture afin que les parents qui accompagnent leurs enfants s’amusent aussi. »

Parodique, avec des dialogues humoristiques et un côté didactique, les représentations ont le don de conquérir le cœur des enfants. Loin de se reposer sur ses lauriers, Anthony se remet en question après chaque représentation, analyse quelles blagues ont fonctionné, comment le message a été perçu et de quelle manière l’histoire a suscité l’intérêt. « C’est un processus évolutif, ce n’est pas du tout figé », m’explique-t-il. « L’interaction avec les enfants permet à chaque spectacle d’être différent. Mes jeunes spectateurs ne sont pas passifs, que du contraire, et la morale de chaque pièce plaît également aux parents. »

Pas le dernier pour susciter les rires, ce Liégeois est conscient de la mission qui lui est dévolue. « Le Théâtre de marionnettes a aussi un rôle de transmission et c’est une forme artistique qui doit sans cesse évoluer sous peine de mourir », reconnait celui dont le jeune âge est une force pour capter les tendances du moment et qui doit parfois puiser dans ses ressources physiques – notamment au niveau de sa voix – pour permettre aux enfants de passer un moment inoubliable. « Quand une blague fonctionne, je me sens bien et les échanges que je peux avoir après les représentations avec les parents et les enfants sont très souvent enrichissants. »

Depuis qu’il œuvre dans la Cour des Mineurs, cet employé de la Province de Liège a déjà vécu quelques moments homériques. Lors d’un spectacle décalé intitulé « Li naissance » – sur la nativité, donc -, Anthony a l’idée de montrer des rois mages paumés et devant se fier à la prophétie de Sheila pour être guidés par une étoile. « Le public a entonné la chanson. Ce fut un beau moment de communion car je ne m’y attendais pas. C’est gratifiant de voir les gens heureux et de pouvoir tisser une relation avec eux », sourit-il. « L’énergie de la salle me galvanise alors et c’est là aussi toute la beauté du spectacle vivant. »

À Liège, ce jeune papa a trouvé un terreau fertile à sa créativité. « La culture, c’est très important. Cela permet d’éduquer les gens, de les ouvrir au monde peu importe leur origine ou leur milieu social et de leur permettre de vivre en société », analyse-t-il. « Dans la Cité ardente, nous avons beaucoup de chance de pouvoir compter sur énormément de projets menés par la Province, la Ville ou des organismes privés. C’est assez accessible et nous sommes sans doute une des régions les mieux loties. »

Passionné par son métier, aussi affable que polyvalent et sacrément doué, Anthony est parti pour donner encore beaucoup de bonheur aux petits et aux grands. Et c’est tant mieux !

Thiebaut Colot

Plus d’informations sur www.provincedeliege.be

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Expositions Portraits

« Un terrible choc »

Les tragiques inondations de juillet 2021 ont marqué considérablement notre région. La photographe Danielle Rombaut a immortalisé sur pellicule les ravages causés par la nature.

Ancienne fonctionnaire fédérale, l’Anversoise Danielle Rombaut se passionne pour l’image. Dans le cadre de ses études en photographie et alors qu’elle cherche un sujet pour son projet de fin d’année, elle tombe sous le choc des ravages causés par les tragiques inondations de juillet dernier. « Je voulais me rendre sur place pour voir les terribles conséquences infligées par la nature aux courageux habitants de Pepinster, Trooz ou Chaudfontaine mais je ne voulais pas être considérée comme une voyeuse », m’explique-t-elle une matinée de pluie.

Danielle laisse passer quelques semaines et en septembre, alors qu’elle doit se rendre dans la région pour un autre projet, elle constate qu’elle n’est qu’à vingt minutes de Pepinster. Armée de son appareil photo qui ne la quitte jamais, elle décide de se rendre dans la vallée alors que les médias sont désormais bien moins présents. « Ce fut un terrible choc », reconnait-elle. « Je n’avais jamais assisté à cela, une telle désolation, des débris partout. Je n’imaginais pas cela possible dans un pays comme le nôtre. »

Sur place, elle capture des images saisissantes, qui racontent l’histoire d’une catastrophe sans précédent qui marqua toute une région. « Mais j’avais aussi besoin de parler avec les sinistrés », me confie-telle. Grâce à un groupe Facebook, elle entre en contact avec des habitants de Pepinster et de « La Brouck » et revient à plusieurs reprises. « Les gens m’invitaient chez eux pour me montrer l’étendue des dégâts et nos échanges nous faisaient du bien, à moi comme à eux, je crois. »

De ces séjours dans la vallée de la Vesdre, Danielle tire des clichés superbes et émouvants qui trouvent refuge dans La Galerie du Soir du Musée de la Photographie de Charleroi. « Cette exposition montre la catastrophe mais aussi, malheureusement, la beauté que la nature peut donner quand elle se déchaîne », constate la photographe anversoise. « C’est bouleversant et triste et ce contraste est un peu bizarre. » Et d’ajouter : « Les photos sont très naturelles. Elles ont enregistré autant que possible la réalité des habitants des communes visitées en tâchant de respecter leur vie privée avec une certaine forme de pudeur. »

Du vernissage, notre interlocutrice ressort soulagée, les sinistrés ayant bien compris sa démarche et le respect qu’elle leur témoigne. « Je me suis également développée pendant ce projet. J’ai dépassé ma crainte de parler aux gens et un monde s’est ouvert sous mes yeux. Cela faisait chaud au cœur de voir ces volontaires venir de partout pour prêter main-forte aux personnes touchées par la catastrophe, d’être le témoin de cette énergie », se souvient Danielle. « Et les échanges furent particulièrement émouvants. »

Nul doute que malgré les kilomètres à parcourir, nombreux seront ceux à vouloir aller découvrir cette exposition programmée jusqu’au quinze mai prochain.

Thiebaut Colot

N. B. : De jolies cartes postales avec des clichés de la photographe anversoise sont à vendre à la boutique du musée.

Plus d’informations sur www.daniellerombautfotographie.be et sur www.museephoto.be

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Business création Portraits

« Il faut pouvoir constamment s’adapter »

Malgré la conjoncture difficile, Tina Calla n’a pas eu froid aux yeux en lançant Nagal. Nous vous emmenons à la découverte de cette créatrice liégeoise de trousses à bijoux.

Pendant longtemps, Tina Calla a travaillé comme déléguée médicale et Account Manager en milieu hospitalier. « J’adorais mon job, j’étais à ma place », m’assure-t-elle d’emblée. En 2010, Tina accouche de son deuxième garçon, Raphaël. « Un enfant différent », précise-t-elle avec pudeur. Face à l’évolution de sa situation familiale, cette passionnée de mode, de lecture, de gastronomie et de voyages doit faire des choix et renonce à son activité professionnelle. « Pour Raphaël, c’est un combat de tous les instants qui me fait découvrir plein de mondes différents. »

Un jour, dans la bijouterie Coloris à Liège, Tina observe que la marmotte dans laquelle sont présentés les bijoux pourrait être bien utile pour ranger les siens. Seul hic, ces marmottes ne sont pas à vendre. Cette Liégeoise se renseigne pour en acquérir mais n’en trouve pas. Désireuse de trouver une solution pour travailler de chez elle, elle décide alors de créer sa propre trousse à bijoux. Grâce à Fanny de chez TexLab, Tina, qui n’a pas les compétences techniques pour réaliser seule son projet, apprend à dessiner le prototype auquel elle aspire pour que son fabricant comprenne ce qu’elle désire. La première pierre de Nagal était posée.

Au départ imaginée en velours, la trousse à bijoux sera finalement confectionnée en « atlas » (une matière vegan, imitation cuir) par un fabriquant belge possédant un atelier en Tunisie depuis les années cinquante. « Il y a là un vrai savoir-faire de maroquinerie. Tout est fait à la main et les ouvriers sont payés à leur juste valeur. Cette rétribution éthique est particulièrement importante pour moi », m’assure Tina. Si la pandémie mondiale a considérablement complexifié le processus de création et de production, Nagal – le nom de la société de ma sympathique interlocutrice trouvé dans les accords Toltèques et qui reflète tout le cheminement personnel pour en arriver là – sortait ses premières trousses en novembre 2020. « Je suis la meilleure ambassadrice de mon produit », rigole Tina qui propose un modèle standard et un autre de voyage. « Je l’utilise tout le temps et cela me facilite la vie. »

Comme dans tout processus créatif et démarche entrepreneuriale, les doutes sont nombreux. « J’ai toujours été une super commerciale pour autrui mais je remarque que c’est plus difficile pour moi-même », nous avoue cette élégante femme de quarante-neuf ans. « La jeune génération ne se pose peut-être pas autant de questions mais je dois reconnaître que voir le regard interrogateur de mon interlocuteur peut me faire douter. Et puis, le positionnement est parfois difficile à établir car tout bouge tellement vite désormais. Il faut pouvoir s’adapter constamment. »

Heureusement, Tina peut s’appuyer sur un excellent produit, ses trousses étant à la fois superbes et pratiques et sa collection s’étant enrichie depuis des trousses à maquillages en cuir 100% recyclé et nylon ainsi que prochainement de pochettes pour gsm en cuir italien. « Je suis vraiment contente d’offrir de la nouveauté même si l’actualité mondiale fait exploser les prix », constate-t-elle. Et si l’aventure n’en est finalement qu’à ses débuts, cette maman de deux enfants soutenue par sa famille et ses amies ne s’empêche toutefois pas de voir à plus long terme. « Dans l’idéal, j’aimerais personnaliser la marque. Que les clients souhaitent acheter du Nagal », se projette-t-elle. « Et puis, sortir de mon réseau, de mes frontières, ce qui paradoxalement est parfois la difficulté de l’e-commerce. »

Avec Nagal, cette créatrice de trousses à bijoux a trouvé un terrain d’expression propice à sa créativité. « J’y retrouve le plaisir de bosser, celui de l’autonomie et de goûter à l’indépendance, une certaine discipline, la prise de risques et la satisfaction de créer quelque chose de A à Z », détaille Tina. « Par contre, la solitude est parfois pesante. Les doutes peuvent vite s’installer pour moi qui ai toujours travaillé en équipe. Dans le futur, j’espère trouver quelqu’un avec qui collaborer, quelqu’un qui porterait le projet avec moi et apporterait ses idées. »

Et si Tina croise les doigts pour que Nagal soit une vraie « success story », elle garde dans un coin de sa tête la volonté de manufacturer ses trousses dans un atelier protégé. « C’était ma volonté initiale mais les coûts de production étaient trop conséquents. Mais je ne baisse pas les bras. Raphaël pourrait y travailler ou venir m’épauler », conclut-elle de manière à boucler la boucle.

Thiebaut Colot

Plus d’informations sur www.nagal-eshop.com , https://www.facebook.com/nagalaccessories et https://www.instagram.com/nagal_accessories/

Les produits Nagal sont également en vente chez Accessoire Grège à Embourg et chez Youpla à Liège.

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Citoyenneté Portraits Société

« Des chiens qui donnent beaucoup d’amour »

Depuis septembre dernier, Ilonka, Patricia et les bénévoles d’Happy Together viennent en aide aux chiens de Roumanie en leur trouvant de nouveaux foyers en Belgique. Rencontre avec deux héroïnes qui abattent un boulot formidable.

C’est chez Tutti Frutti, tea-room bien connu à Ans, que je rencontre Patricia Dessart et Ilonka Wesphal. Devant un ristretto et deux cappuccinos, ces deux héroïnes – non le mot n’est pas trop fort – particulièrement sensibles à la cause animale se montrent aussi chaleureuses que volubiles. Rapidement, Ilanka m’explique la situation exécrable et profondément choquante que vivent les canidés en Roumanie. « Dans les années ’80, lorsque Ceaucescu a conduit la Roumanie vers l’industrialisation, de nombreux occupants de ferme ont quitté la campagne pour venir s’installer en ville, abandonnant derrière eux leurs animaux de compagnie. Les chiens se sont retrouvés à l’état semi-sauvage et ont commencé à se multiplier de façon incontrôlée au point de devenir un véritable fléau puisque selon les derniers chiffres, ils seraient entre 500 000 et 3 000 000 à errer désormais sur le territoire », contextualise la Présidente de Happy Together. « Après un incident avec un enfant en 2014, la politique publique s’est axée sur la capture des chiens errants – c’est-à-dire tous les chiens qui se trouvent dans l’espace public – par des employés communaux ou des firmes privées et sont ensuite parqués dans des conditions déplorables – peu nourris, entassés les uns sur les autres – dans d’immenses fourrières. Les maitres ont quatorze jours pour réclamer leur compagnon à quatre pattes, après quoi ceux-ci sont euthanasiés de façon particulièrement barbare, parfois à la hache ou à la pioche. »

Un récit qui fait froid dans le dos et qui, je le reconnais aisément, m’émeut considérablement. « Il faut savoir qu’en Roumanie, les chiens n’ont aucune valeur aux yeux de leurs propriétaires et d’une large partie de la population », ajoute Patricia. « Ceux qui ont des maîtres sont vus uniquement comme leur propriété par ceux-ci, utilisés pour fournir un travail, comme surveiller les poules, attachés constamment à une chaîne, maltraités et sous-nourris. »

Une problématique qui interpelle. « L’Europe et diverses associations injectent de l’argent pour construire de vastes chenils – notamment le plus grand refuge du monde – mais la seule solution passe par la stérilisation », continue Ilonka. « Cependant, bien que chaque Roumain puisse en bénéficier gratuitement pour son animal, le succès des différentes campagnes est très relatif. »

Une vaste entreprise pour tenter d’améliorer la condition de ces adorables toutous

C’est en 2016 qu’Ilonka fut confrontée à cette terrible situation. Après avoir œuvré pour une association française, elle décide de lancer Happy Together en septembre 2021 avec Patricia Dessart et d’autres bénévoles. « Nous nous sommes rencontrées alors que j’étais simple adoptante », me précise Patricia. « Quand je suis arrivée à saturation dans ma capacité à accueillir ces petites boules de poils traumatisées par leurs années horribles en Roumanie, je me suis dit que le seul moyen d’aider était de parvenir à trouver des foyers à ces chiens. » L’association est ainsi lancée et a déjà permis à plus d’une centaine de toutous de trouver une nouvelle famille.

Les deux acolytes sont en contact permanent avec des « sauveuses » sur place. « Ce sont toujours des femmes qui sacrifient leur existence pour le bien-être animal et ont du mal à concevoir la philosophie de leurs compatriotes envers la race canine », souligne Ilonka. Ces femmes exceptionnelles recueillent les chiens errants, blessés, diminués, abandonnés dans leurs refuges. Elles les soignent, les renourrissent, les lavent et tentent de restaurer leur foi dans le genre humain. Elles fournissent ensuite à Patricia et Ilonka des photos et un descriptif précis de leurs nouveaux arrivants. À charge pour nos deux Liégeoises de trouver à ces gentils cabots une famille en Belgique, grâce au bouche-à-oreille mais, surtout, à la puissance des réseaux sociaux qu’elles maîtrisent parfaitement.

Le processus d’adoption est rigoureux car l’objectif d’Happy Together est que chaque chien puisse trouver une situation confortable et pérenne. Les demandeurs potentiels doivent compléter un formulaire de demande d’adoption qui est analysé avec soin par les équipes de l’asbl. Si leur candidature est retenue, ils sont contactés par téléphone. Si cette étape-là est aussi « réussie », deux membres d’Happy Together organisent une visio-conférence ou un passage à domicile pour valider l’adoption. « Nous nous devons d’être très sévères concernant les profils. Contrairement à la SPA, si cela ne « matche » pas entre le propriétaire et son nouvel animal de compagnie, il n’y pas de retour possible car il est hors de question de renvoyer ces pauvres bêtes en Roumanie », se justifient Patricia et Ilonka. « Il faut trouver la bonne personne pour le bon chien, et inversement, et les nombreux échanges en amont nous permettent cela. » Cependant, cette formidable asbl ne se montre pas sectaire concernant l’âge, certains chiens plus âgés pouvant tout à fait être accueillis par des seniors.

Des moments émouvants et de vraies sources d’amour

Ces inextinguibles sources de bonheur sont toujours en ordre de vaccin et dotées de leur passeport vaccinal – une obligation pour traverser les frontières – avant d’être emmenées dans des camionnettes spécifiques au lieu de rendez-vous. « Les adoptants doivent être sur place pour l’arrivée, c’est impératif pour l’animal d’être immédiatement avec eux », spécifie Ilonka. « Ce sont souvent des moments particulièrement émouvants », ajoute Patricia. À la manière dont elles en parlent, je ne peux qu’imaginer ces scènes de joie lorsque ces adorables toutous découvrent pour la première fois la chaleur des bras de leurs nouveaux « parents ». Par la suite, les bénévoles d’Happy Together restent en contact avec les adoptants pour avoir des nouvelles de leurs petits protégés mais aussi délivrer certains conseils et assurer une guidance si cela s’avère nécessaire.

« Les chiens roumains sont très spécifiques », m’assure Ilonka. « Ils sont timides car ils ont eu l’habitude d’être traqués. Une fois en confiance, ce sont de véritables chiens de famille qui donnent beaucoup d’amour. » Nos deux héroïnes s’occupent aussi de trouver des familles à des chiens handicapés. Certains amputés d’une patte ou de deux, d’autres aveugles ou sourds, ce qui est monnaie courante, malheureusement, en Roumanie. « Ce sont toujours des chiens adorables et particulièrement débrouillards », sourit Patricia qui a recueilli Roby, amputé des deux pattes arrières. Cette infirmière au MontLégia me montre quelques vidéos de son protégé et force est de constater qu’elle a indubitablement raison : Roby respire la joie de vivre et semble évoluer tout à fait normalement malgré son handicap. « Pour ces chiens-là, cela nécessite une gestion différente, cela peut prendre un peu de temps de trouver le bon équilibre mais le résultat en vaut la peine », continue-t-elle.

Au fil de nos échanges, impossible de ne pas me demander ce qui pousse Patricia et Ilonka à consacrer la majeure partie de leur temps à cette inépuisable entreprise. « Quand nous sauvons un chien, dix autres arrivent. Cela peut être frustrant car nous voudrions faire plus mais il faut voir le côté positif. C’est ma raison de vivre. Si je reste les bras croisés, je participe aux mauvais traitements infligés aux chiens et cela me déchire le cœur », me confie Ilonka avec une sincérité désarmante. « Quel plaisir et quelle joie de trouver une famille d’accueil pour tous ces chiens nés au mauvais endroit. C’est magnifique de voir leur évolution, de les voir revenir vers la lumière et à la vie, de voir à nouveau cette jolie étincelle dans leur regard. » Magnifique comme l’action quotidienne de ces deux personnes formidables qui, vous l’aurez compris, m’ont totalement conquis.

Thiebaut Colot

Plus d’informations sur www.facebook.com/assohappytogether et sur www.happytogether.forumactif.com

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Art Portraits

« Une aventure fabuleuse qui a débuté par un accident »

C’est par accident que Véronique Dumont a développé sa passion pour l’art et des créations aussi originales que singulières qui sont retrouvées aux Etats-Unis ou en Australie.

Lorsque Véronique Dumont m’ouvre la porte de son domicile, elle arbore un large sourire et un pull rose flashy et m’invite illico presto à découvrir son atelier qu’elle nomme avec une joie non-dissimulée « son terrain de jeu ». Dès nos premiers échanges, la joie de partager son travail et sa passion saute aux yeux. « Tout a débuté par un accident », commence-t-elle. « Quelques temps après un stage d’initiation en 2012 chez Arqontanporin qui avait provoqué en moi une sorte de déclic, j’étais partie en vacances en Provence en emmenant avec moi mes tubes d’acrylique. »

C’est à ce moment-là que le bouchon d’un tube de peinture tomba sur sa palette. En le récupérant d’un mouvement circulaire, Véronique constata que cela donnait un résultat intéressant. Elle décida de le prendre en photo et développa ensuite son concept en « imprimant » le résultat obtenu sur des parois de plexiglass à Dijon pour un rendu aussi surprenant que magique. Au fil des années, Véronique fit évoluer son art, utilisant désormais davantage de la résine liquide dans laquelle elle infuse des pigments de couleur pour capturer des réactions instantanées, tout en y ajoutant parfois des perles d’eau. « C’est ma bouffée d’oxygène », continue cette juriste. « C’est un phénomène très éphémère que j’essaie de figer sur photo. Cela crée un moment magique et une sorte d’émerveillement chez moi. »

Chaque jour, Véronique passe dans son lumineux atelier pour créer ses œuvres originales qu’elle fige sur la carte mémoire de son appareil photo – elle a plus de 27 000 images – et retravaille ensuite avec un logiciel spécifique pour éliminer les petites imperfections. « N’ayant pas une formation artistique, j’ai tout appris sur le tas et j’ai longtemps souffert du syndrome de l’imposteur », reconnait-elle, confiant également avoir reçu une « claque » lors d’un concours pour artistes émergents à l’Académie des Beaux-Arts de Liège. « On m’y avait notamment reproché de présenter un travail qui ne véhicule pas de message ». Et d’ajouter : « C’est exact, ma volonté étant davantage de transmettre des émotions positives, de proposer un voyage dans l’imaginaire et de faire rêver les amateurs et les curieux. »

Par la puissance des réseaux sociaux que lui fit découvrir sa fille aînée, celle qui occupa auparavant un poste aux ressources humaines au Makro put faire découvrir son travail au plus grand nombre et se sentir enfin légitime. « J’essaie de publier chaque jour une de mes créations et j’instaure un dialogue avec ceux qui suivent ma page », m’explique Véronique qui compte tout de même plus de 4000 abonnés sur Facebook. C’est grâce aux réseaux sociaux que les créations de Véronique se sont retrouvées en Australie – « chez deux fans qui m’ont contactée pour me dire qu’elles appréciaient mon travail et voulaient acquérir certaines oeuvres » précise-t-elle – et au Texas.

« Une dame de 94 ans suivait mon travail sur Facebook et est venue visiter mon atelier avec son petit-fils et son épouse qui vivent à Houston et qui m’ont commandé trois créations », me raconte Véronique. « Nous avons beaucoup communiqué via internet, cela m’a sortie  de ma zone de confort et ce fut un vrai défi de parvenir à proposer à ce couple ce qu’il souhaitait précisément. Ce fut également une aventure fabuleuse. »

Passionnée, cette maman de trois enfants, reçoit régulièrement des visiteurs, venant parfois de loin, dans son atelier pour leur présenter son travail et échanger. « Cet aspect-là est vraiment une autre source de joie », me confie celle qui n’hésite pas à faire des démonstrations. « En toute humilité, si je peux mettre des étoiles dans les yeux de mes visiteurs, alors je suis heureuse. »

Prochainement, Véronique devrait exposer à Villennes-sur-Seine, non loin de Paris. « Jamais je n’aurais pensé devenir une « artiste », même si j’ai encore parfois du mal à m’affirmer », me dit-elle. Résolument les pieds sur terre, elle ne peut s’empêcher toutefois de laisser son esprit vagabonder, elle dont le rêve serait de s’associer avec un architecte d’intérieur pour décorer un hôtel. « Je pense à la 3D ou à des prototypes de luminaires. Mon univers n’est pas figé et est en perpétuelle évolution. »

D’ici-là, Véronique – dont une œuvre est désormais exposée aux Thermes de Spa – continuera de fréquenter assidûment son atelier pour s’adonner à sa passion – « mon équilibre aussi entre ma vie personnelle et professionnelle », spécifie-t-elle – pour son plus grand bonheur et celui des nombreux amateurs de ses créations.

Thiebaut Colot

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Art Littérature Portraits

« Tous les enfants dessinent, moi je n’ai jamais arrêté »

Avec Le grand voyage d’Alice déjà récompensé du Prix Médecins Sans Frontières, Gaspard Talmasse a réalisé une bande dessinée bouleversante. Rencontre avec un auteur et dessinateur de talent.

« Tous les enfants dessinent, il y en a juste qui ne s’arrêtent jamais », sourit immédiatement Gaspard Talmasse après avoir ôté son couvre-chef et déposé son carnet de croquis dont il ne se sépare pratiquement jamais. « Je griffonne constamment, parfois j’agrandis certains dessins. Cela m’aide à capter des atmosphères, des émotions. C’est une habitude ancrée en moi depuis très longtemps. »

Très tôt, ce Verviétois se montre doué avec ses crayons. « À l’école, socialement, celui qui dessine est perçu comme cool et j’ai vite occupé cette place », continue-t-il. Ayant grandi dans un terreau fertile – « mes parents dessinaient par plaisir et connaissaient un peu René Hoffmann que j’admirais, mes grands-parents appréciaient l’Art, j’ai un cousin qui vit à Paris et dessine », énumère-t-il – et toujours soutenu et encouragé par ses proches, Gaspard décide assez jeune de devenir auteur de bandes dessinées. « Cela sonnait comme une évidence pour moi », m’assure-t-il.

Après des secondaires en Arts plastiques à Sainte-Claire, mon sympathique interlocuteur part étudier à Saint-Luc et commence à travailler comme free-lance et à la commande comme illustrateur. C’est aussi à ce moment-là qu’il découvre le dessin animé qui « lui parle à fond ». Et une opportunité s’ouvre alors à Gaspard lorsque, grâce à un ancien prof, il est engagé par le studio Waooh ! pour travailler sur le projet de Patrice Leconte, Le Magasin des suicides. « J’étais dans l’équipe qui dessinait puis coloriait les décors. Ce fut une super expérience qui m’a vraiment professionnalisé et a lancé ma carrière », se remémore-t-il. « J’ai pu y rencontrer des pointures pendant un an. Ce fut génial. »

Une expérience qu’il renouvellera ensuite pour le dessin animé Petz et puis ensuite comme formateur pour Avril et le monde truqué. « Mais je commençais aussi à vouloir développer mes propres projets », me précise-t-il. Et c’est cette fois de l’autre côté de l’Atlantique, à Québec, que Gaspard trouve un terrain d’expression propice à son épanouissement en réalisant avec Isha Bottin son premier livre illustré pour enfants Ma Famille 3+1=7. « À Montréal pour le lancement, j’ai rencontré une autre autrice, Dominique Demers, avec qui j’ai réalisé un nouveau livre pour les plus petits : Pilou tous les soirs du monde », continue-t-il. « Je gardais cependant mes envies de BD dans un coin de ma tête. »

Le grand voyage d’Alice : un chef d’œuvre

Suite à sa rencontre avec son épouse originaire du Rwanda, Gaspard s’intéresse à l’Histoire tragique de ce pays et, surtout, à celle de sa moitié qu’il décide, après avoir mûri le projet pendant cinq ans, de transposer en planches et cases. « C’était un projet compliqué, sensible mais mon épouse a tout de suite accepté que je m’empare de son histoire », me précise-t-il. Et c’est ainsi qu’après un travail acharné naquit Le grand voyage d’Alice, publié en novembre 2001 par La Boîte à Bulles, une maison d’édition française. « Un super éditeur qui croyait vraiment au livre », se félicite cet excellent auteur.

Sélectionné pour différents prix – Prix Scam, Les Galons de la BD, Prix BD des lecteurs.com notamment – dont les verdicts ne sont pas encore connus, Le Voyage d’Alice a d’ores et déjà reçu le Prix Médecins Sans Frontières et un excellent accueil, tant auprès du public que des critiques. « Je me retrouve en bonne compagnie, c’est hyper valorisant », ajoute Gaspard avec une modestie non-feinte.

Un succès qui en appelle d’autres. « J’ai déjà reçu des propositions, notamment d’un éditeur pour un projet sur un humanitaire qui part en Afrique. Le scénario est déjà prêt et cette proposition est hyper séduisante mais je ne veux pas non plus trop m’enfermer dans un genre », m’apprend celui qui a commencé dès l’enfance par dessiner des gags mais n’envisage en revanche pas forcément d’écrire des histoires pour d’autres.

Ne se réclamant d’aucune école mais reconnaissant apprécier différentes influences, ce trentenaire mesure sa chance de pratiquer le métier qu’il aime. « Plein d’univers m’inspirent : le vécu du quotidien, les voyages, les gens dans les cafés, la ville et la nature », m’explique-t-il en coloriant son carnet. « Peut-être que par ma passion du dessin et ma profession, j’ai un degré d’observation plus prononcé, je fais davantage attention aux détails. »

Dans un milieu concurrentiel et « hyper libéral » selon Gaspard, la clé est « de ne jamais abandonner et de beaucoup bosser pour progresser ». « Il faut toujours faire le choix de ses envies et de ses convictions mais ce n’est pas évident de goupiller tous les aspects », me dit-il. « Il faut aussi vouloir être lu et pour cela, il faut pouvoir rendre son travail accessible au plus grand nombre. C’est important d’avoir cette lisibilité et c’est aussi pour cela que c’est bien d’être un lecteur. »

Occupé à réaliser une grande fresque avec Françoise Voisin dans une usine désaffectée – « J’ai la chance de pouvoir un peu choisir mes projets annexes » – et avant de se relancer dans un nouvel ouvrage, Gaspard va sans doute vivre la plus belle de toutes les aventures. « Un enfant est en route et son arrivée est prévue début juin », me glisse-t-il sur le ton de la confidence. Et ça, ce sera Le grand voyage d’Alice et Gaspard…

Thiebaut Colot

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Horeca Portraits

« Travailler de façon éthique nous tient particulièrement à cœur »

Mag Liège vous emmène à la découverte de Nicolas Lebrun, artisan boulanger et co-fondateur de Libellule, une boulangerie à domicile qui propose des délices aussi savoureux qu’éthiques.

Nicolas Lebrun n’est pas entré en boulangerie comme on entre en religion mais, très vite, il s’est passionné pour son métier. « À vingt ans, je ne savais pas encore vraiment quoi faire de ma vie et je passais beaucoup de temps chez un de mes meilleurs amis dont le papa m’a initié à la cuisine et m’a encouragé dans cette voie », se souvient-il. « Ma maman faisait également une excellente tarte aux fraises que j’ai reproduite des centaines de fois. »

Ayant développé le goût des bons produits mais aussi des fourneaux et désireux de parfaire son apprentissage, ce Valcaprimontois entame alors une formation en boulangerie à l’IFAPME où il alterne journées de cours et travail comme apprenti chez Une Gaufrette Saperlipopette. « Partout où j’avais postulé, j’avais été recalé. Je n’y croyais pas trop mais à ma grande surprise, j’ai immédiatement été engagé », rigole Nicolas.

C’était alors le début de l’aventure de cette formidable boulangerie-pâtisserie qui avait ouvert sa petite boutique avant de grandir. Là, Nicolas bosse dur, enchainant les horaires compliqués entre les bancs de l’école et la pâte feuilletée. « J’ai touché un peu à tout et cela m’a offert une vue d’ensemble de la profession », souligne-t-il même s’il reconnait aisément être bien moins à l’aise en pâtisserie, une matière dans laquelle il est moins formé.

S’il quitte un temps les plaisirs sucrés pour bosser dans un resto – « J’ai toujours voulu faire aussi une formation en cuisine » -, il revient rapidement, comme ouvrier cette fois, à ses premiers amours chez Une Gaufrette Saperlipopette. Le confinement passe ensuite par là et Nicolas se retrouve au chômage forcé. Une pause finalement salutaire dans un emploi du temps surchargé et qui pousse Nicolas et sa compagne Natacha, elle aussi diplômée en boulangerie, à réfléchir à un projet commun. « Dans l’idéal, nous voulions travailler de chez nous et de façon éthique des produits qui nous plaisent », explique ce jeune entrepreneur.

Accompagné par Job’In, le jeune couple lance Libellule, une boulangerie à domicile qui confectionne pains divers, gaufres, cookies, sablés, viennoiseries – des couques comme on dit à Bruxelles ! – mais aussi plusieurs boissons artisanales. « Nous n’avons pas le label bio mais nous fournissons chez des producteurs bio, en privilégiant autant que possible le circuit court et, surtout, l’éthique, un aspect qui nous tient particulièrement à cœur », précise Nicolas. Libellule rencontre depuis un beau succès, livrant les entreprises pour des évènements, des magasins comme Chez Lucienne à Chênée et les particuliers le week-end pour des brunchs à se pâmer !

« Nous avons la chance d’avoir une clientèle aussi fidèle que sympathique et nous voudrions, à terme, pouvoir proposer nos produits dans davantage de points de vente pour coller aux désidératas de nos clients », ajoute cet artisan passionné qui, heureusement, n’a pas été directement impacté par les tragiques inondations de juillet. « L’eau est passée à cinquante mètre de chez nous. Nous ne pouvions plus travailler mais c’était dérisoire par rapport à ceux qui ont perdu leur maison ou bien plus. Nous sommes allés distribuer de la marchandise et cuisiner pour les bénévoles. Cet élan de solidarité était magnifique à voir mais si ce n’était pas facile à vivre de nous sentir aussi impuissants. »

Retour à l’atelier où Nicolas nous parle avec gourmandise de ses créations. « Même si c’est peut-être un peu égoïste, j’essaie de cuisiner des choses que j’aime manger », sourit-il. Ses favoris ? « Le pain multicéréales qui est parfait pour contenter tout le monde, tant au niveau des nutriments que du goût et les croissants briochés avec du bon beurre bio de ferme », sélectionne notre sympathique interlocuteur. « J’aime aussi beaucoup les cookies caramel et fleur de sel. » De quoi clore cet entretien avec une vraie fringale !

Pour les infos supplémentaires et les commandes, voir le site internet de Libellule www.boulangerie-la-libellule.be

Thiebaut Colot

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création Danse Evénements Portraits Spectacles

Marie Doutrepont : une Etoile liégeoise

Pour la dixième fois, Marie Doutrepont organise les Hivernales de la Danse, un gala de danse unique en son genre devenu un évènement incontournable. Rencontre avec une passionnée dont le parcours laisse bouche bée.

C’est à Ma Ferme en Ville, son magasin/cantine promouvant de jolis produits de saison, que le rendez-vous est fixé. Vêtue d’un éclatant manteau orange, Marie Doutrepont m’y accueille avec le sourire et commence par me raconter son incroyable parcours. « J’ai commencé la danse pour m’occuper le mercredi après-midi, comme beaucoup de petites filles. J’y ai rapidement apprécié la rigueur, la discipline que cela nécessitait : c’était carré. J’ai eu la chance d’être douée et dotée de certaines qualités intrinsèques qui m’ont donné envie de m’y investir », se souvient-elle. Après un sport-études à l’Académie Gretry où les heures de danse étaient très nombreuses, Marie rejoint le Ballet de Flandre. Elle y dansera pendant plus de deux ans avant de prendre la direction du Ballet du Capitole, à Toulouse et puis de traverser la manche pour évoluer durant cinq ans au sein du prestigieux Royal Ballet à Londres. « Ce furent cinq années magiques dans une des meilleures compagnies du monde. Les danseurs y sont perfectionnistes mais il y a moins de stéréotypes et davantage de liberté et de richesse dans la diversité qu’à l’Opera de Paris qui est plus cadenassé », se remémore-t-elle. « Et puis, j’adore Londres, la langue anglaise, le flegme et l’humour britanniques. »

Après un retour au Ballet de Flandre pour deux ans, Marie décide, à vingt-huit ans, de mettre un terme à sa carrière de danseuse. « Il est possible de continuer à danser jusqu’à quarante-ans mais je n’en avais plus l’envie », me dit-elle avant de briser les clichés qui entoure un milieu aussi compétitif que finalement peu connu du grand public. « Bien sûr, être danseuse nécessite une certaine hygiène de vie – comme pour tous les sportifs – mais ce n’est pas non plus aussi intransigeant que ce que l’on peut voir dans des films comme Black Swan. Il y a des impératifs – gérer la fatigue, son énergie – mais ce n’est pas un rythme de vie insupportable et la compétition, bien que présente, y est souvent bienveillante. »

Arrivée à une forme de saturation, celle qui est originaire d’Olne, décroche totalement ou presque de la danse et enchaîne les jobs, saisissant chaque opportunité qui se présente à elle, sans plan de carrière. « Je n’ai jamais cherché du travail, cela s’est toujours fait naturellement », me confie-t-elle. « Je suis une optimiste, je crois en l’avenir et que rien n’arrive par hasard même si, quand le chemin est parsemé d’embûches, je dois souvent me le répéter (rires). »

Après avoir notamment vendu du yaourt et des espaces publicitaires ainsi que travaillé dans un casino, Marie ouvre Ma Ferme en Ville. « J’ai grandi à la campagne et, enfant, j’ai toujours été habituée à aller au marché, à ramasser les légumes, à croquer une tomate chaude pour la goûter », continue-t-elle. « J’avais ce projet en moi depuis longtemps avec la volonté de mettre plein de beaux produits en valeur. » Fondée peu avant l’apparition du Covid, Ma Ferme en Ville n’en demeure pas moins un établissement original qui a rapidement su trouver son public pour faire indubitablement partie des fleurons de la ville et de la rue Souverain Pont.

« Je me suis réveillée un matin en voulant organiser un gala ! »

Mais avant de se lancer dans l’Horeca, celle qui partage la vie de Gaby Caridi, patron de Pinart le Bistrot et de Mio Posto, s’était replongée dans son domaine de prédilection. « Je me suis réveillée un matin, en vacances près de Cannes et je me suis dit que j’allais organiser un gala », se souvient avec malice celle qui organisait déjà des stages de danse. Le parcours du combattant pouvait commencer ! « Les gens ne comprenaient pas vraiment ce que je souhaitais faire et je fus prise un peu à la légère par tout le monde. » Grâce à son carnet d’adresse bien rempli, Marie parvient à convaincre des danseuses et danseurs talentueux de venir se produire à Liège pour la première édition des Hivernales de la Danse, il y a tout juste dix ans. « Je savais bien quelles pièces je voulais, vers quoi je voulais aller. C’était une pression de dingue et beaucoup de risques car les budgets sont énormes. Heureusement, le public fut au rendez-vous dès le départ », m’explique cette passionnée. « Et chaque année, cela reste un challenge aussi difficile qu’excitant de parvenir à organiser un tel gala. »

Abattant seule la majeure partie du boulot, Marie a toujours eu une idée assez précise de ce qu’elle voulait proposer. « Plusieurs styles doivent être représentés mais pas de la danse contemporaine expérimentaliste. Je ne suis pas fan des trucs bizarres », rigole celle qui appréciait tout particulièrement danser sur Le Lac des Cygnes et la Bayadère – « ils offrent beaucoup de possibilités pour le corps de ballet », justifie-t-elle – et admirer Giselle. « Je vois avec les artistes ce qu’ils ont de « stock » ou ce qu’ils peuvent créer de spécifique pour Les Hivernales afin qu’il n’y ait pas de tableaux trop similaires. »

Ayant décidé d’implanter son gala à Liège – « par sécurité car je connais la ville », précise-t-elle – au grand dam de certains de ses partenaires, Marie a réussi à créer un évènement unique en son genre en Belgique et qui draine un large panel d’amateurs. « Je suis très exigeante et je sais que le public liégeois est spécifique. Certaines choses qui peuvent plaire dans d’autres métropoles ne rencontreront pas forcément l’adhésion dans notre Cité ardente et inversement », assure celle qui, volontairement, n’annonce pas le programme des Hivernales mais uniquement les danseuses et danseurs bookés pour l’occasion. « Ainsi, les spectateurs s’installent, n’attendent rien de particulier et savourent davantage certaines découvertes. Ils viennent pour les Hivernales et pas pour une pièce en particulier. Cela génère certes peut-être un peu de frustration en amont et diminue un peu notre ticketing mais c’est une démarche personnelle que j’assume et qui permet au public de mieux profiter de la diversité qu’offre le spectacle. Cela a aussi un aspect « éducatif » qui fait sens. »

« Un fort engouement »

C’est vraiment à partir de la septième édition que Les Hivernales de la Danse ont trouvé leur rythme de croisière. « Il y eut un super élan et un fort engouement pour les places. Le gala s’est tenu à guichets fermés », se rappelle Marie qui a la chance de pouvoir compter sur une clientèle particulièrement fidèle. « L’évènement est attendu, l’ouverture de la billetterie est toujours un moment excitant et les places se vendent très bien les deux ou trois premières semaines. » Malheureusement, le Covid faisait alors son apparition, plongeant la société tout entière dans un confinement généralisé et obligeant l’ancienne danseuse à annuler à la dernière minute la huitième édition et, ensuite, à repousser à décembre la neuvième. « J’ai eu la grande chance que mes partenaires m’aient suivi. Sans ça, je mettais la clé sous la porte », reconnait-elle.

C’est donc seulement quelques mois après la neuvième édition que Les Hivernales de la Danse fêtent leur dixième anniversaire, ces onze et treize mars au Manège Fonck. Pour l’occasion, le casting fait à nouveau rêver avec cinq « Etoiles » – l’élite des danseuses et danseurs – et des artistes venus d’Angleterre, de France, des Pays-Bas et d’Allemagne. Pour la première fois, un Prix – le Prix des Hivernales – sera décerné à des jeunes talents ayant remporté ce tout nouveau concours international. Petite particularité, ce seront les danseuses et danseurs des Hivernales qui composeront le jury. « C’est la chance pour les participants d’être vus et jugés par la génération actuelle », souligne Marie. « Les élèves ont besoin d’avis pertinents, d’être évalués sur leurs performances pour ensuite être orientés du mieux possible vers le style et l’école qui pourraientt le mieux leur convenir. »

Un beau tremplin pour ces talents en herbe qui pourront, avec les récompenses obtenues, partir notamment en stage d’insertion dans de prestigieuses compagnies. « La danse classique permet d’apprivoiser ensuite tous les autres styles pour ensuite évoluer selon ses envies, ses spécificités et ses aptitudes », me spécifie celle qui a eu la chance de beaucoup voyager durant sa carrière de danseuse. « Pour évoluer, il faut partir à l’étranger – en France, en Italie, aux Pays-Bas – car il n’y a pas vraiment de grandes écoles en Belgique même si celle du MOSA a vocation à devenir une école de haut-niveau. »

En attendant de rêver à une carrière sur les plus prestigieuses scènes du monde, les passionnées et passionnés de danse classique et contemporaine pourront se donner rendez-vous à Liège pour cette dixième édition des Hivernales qui sera à n’en pas douter un énorme succès.

Thiebaut Colot

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Portraits Sport

« Le sport contribue à mon équilibre »

Mag Liège vous emmène à la rencontre de Delphine Thirifays, sportive accomplie et championne du monde amateur de duathlon.

« Je pense que ma plus grande qualité est d’être toujours motivée et déterminée. J’ai toujours donné de mon temps et de ma personne pour mettre un maximum de chances de mon côté pour y arriver. Je ne compte pas mes heures à l’entrainement et suis plutôt du genre à faire deux heures de plus que deux heures de moins », me confie Delphine Thirifays, aussi performante à pied qu’à bicyclette.

Après avoir pratiqué le basket et le tennis durant son enfance et son adolescence, Delphine s’est orientée vers la course de fond à dix-sept ans, vers le cyclisme en parallèle deux ans plus tard et brille actuellement à haut niveau sur le duathlon, discipline qui réunit la course à pied et le vélo. Un exercice dans lequel la Ninanaise – qui pratique le basket et le tennis en loisir – performe comme en atteste son récent titre de championne du monde amateur conquis en octobre 2021« Je n’y croyais pas au départ car c’était ma toute première participation aux championnats du monde et sur full distance. J’y allais avec pour seul objectif de terminer l’épreuve », me précise-t-elle. Mais quand Delphine sortait en seconde position de la première « run part », elle comprenait qu’elle avait un rôle d’outsider à jouer et plus rien à perdre. En jetant toutes ses forces dans la dernière partie de l’épreuve, elle finissait par franchir la ligne d’arrivée en tête. « Me retrouver en tête d’une telle course m’a encore davantage donné envie de me transcender et je voyais le podium se rapprocher au fil des kilomètres. Ce fut vraiment pour moi la consécration de mon début de carrière. C’est un peu le rêve de tout athlète et une belle revanche sur toutes les périodes où j’étais blessée. Cela a véritablement donné du sens à toutes ces heures consacrées à l’entrainement pour revenir à chaque fois à mon meilleur niveau. » Et d’ajouter : « Ma vie est cependant restée identique, j’ai juste rajouté une ligne un peu plus prestigieuse que les autres à mon palmarès. Et je reste consciente qu’il y a un monde de différence entre la catégorie amateure et la catégorie pro. »

Delphine, le sport semble occuper une très grande place dans ta vie. En quoi t’est-il indispensable ?

Effectivement, il occupe une très grande place (rires). C’est devenu un réel style de vie pour moi. Le sport m’a énormément appris de la vie. Comme tout le monde, j’ai parfois dû traverser des épreuves et le sport m’a aidée à me forger un caractère, à me retrouver et à me relever à chaque fois. On me demande pourquoi je m’inflige tout cela mais ce n’est pas la sensation que j’éprouve même si j’ai toujours dû beaucoup bosser pour y arriver. M’investir ainsi dans une pratique sportive m’a appris la rigueur et à ne pas craindre de sortir de ma zone de confort. Le sport fait désormais partie intégrante de ma vie et contribue à mon équilibre.

Tu t’es notamment fait connaître en te lançant des défis iconoclastes comme un Giro en Belgique ou grimper dix fois la Redoute. Qu’apprécies-tu tant dans ces efforts intenses ?

Je suis challenger dans l’âme et je me suis assez vite rendu compte que j’étais vraiment faite pour des efforts de longue distance. Mon seuil de résistance est assez élevé et c’est un aspect que j’adore travailler à l’entrainement. Et puis, c’est souvent la météo – qui est rarement de mon côté (rires) – qui complexifie ces défis. Mais les conditions climatiques font partie intégrante du duathlon. Pour l’instant, je m’en suis toujours bien sortie face aux conditions climatiques mais c’est un élément très important à prendre en compte en s’alignant sur la ligne de départ.

Comment te viennent ces idées que certains pourraient trouver saugrenues ou farfelues ?

C’est en 2019, lorsque j’ai décidé de représenter l’asbl Leg’s Go et de grimper quatre fois le Mont Ventoux à vélo pour atteindre le dénivelé équivalent du Kilimandjaro. À ce moment-là, je souffrais d’une blessure au pied et ne pouvais plus pratiquer la course à pied. Le manque de compétition se faisait ressentir peu à peu et j’avais besoin de trouver une alternative pour me dépasser et repousser mes limites. La période Covid est ensuite arrivée et je me suis retrouvée avec des compétitions annulées alors que j’atteignais mon pic de forme. J’avais besoin de mettre à profit les nombreuses heures consacrées à l’entrainement et d’entretenir ma motivation. Réaliser ces challenges à chaque fois pour une cause caritative leur donnait plus d’ampleur et me fournissait davantage de motivation.

Tu as également intégré la première équipe cycliste féminine wallonne. Que cela représente-t-il pour toi ?

C’est évidemment positif. Dans le passé, pour évoluer au même niveau, j’aurais dû aller en Flandre. Cette équipe tend à faire connaitre davantage le cyclisme féminin dans notre région et cela m’a apporté pas mal d’expérience de la rejoindre. Mais en tant qu’athlète de haut niveau aussi en course à pied, ce n’est pas toujours évident de concilier les deux, surtout en tant qu’amateur.

En tant que sportive émérite, comment juges-tu la place du sport féminin en Belgique ? Qu’est-ce qui pourrait être amélioré ?

Il y a un gros manque de considération à ce niveau-là. Nous vivons dans un pays où le sport ne fait pas partie des mœurs et est loin d’être une priorité. Nous ne bénéficions d’aucune aide ni d’aucun soutien de la ligue tant que nous sommes amateurs. Je crois que nous sommes dans un pays où il faut avant tout être passionné par sa discipline sportive sous peine d’être vite dégoûté.

Le Covid perturbe les compétitions sportives depuis deux ans. Quels sont tes espoirs et objectifs pour les mois à venir ?

Cette pandémie nous a appris à nous adapter mais c’est vraiment très compliqué de planifier une saison sans vraie perspective. Mes trois premiers objectifs internationaux en 2022 ont déjà été annulés. Plus cela tire en longueur et plus cela devient frustrant. Désormais, je me prépare pour les Championnats d’Europe et du Monde middle distance de duathlon.

Thiebaut Colot

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Horeca Portraits

« Un métier passion »

Voilà déjà sept ans que Dimitri Hermans dirige avec brio le Robertissimo, une belle adresse d’Embourg qui ravit les papilles des amateurs de bonne cuisine depuis plus de deux décennies.

« Classique ou moderne, il n’y a qu’une seule cuisine… La bonne », affirmait le regretté Paul Bocuse. Depuis vingt-deux ans, le Robertissimo semble avoir fait sienne la maxime de ce pape de la gastronomie pour ravir les papilles d’une clientèle aussi fidèle qu’enthousiaste. Ce restaurant implanté à Embourg propose une cuisine méditerranéenne faisant la part belle aux saveurs venues de la botte transalpine. Voilà sept ans que Dimitri Hermans a repris la direction de cet établissement aussi élégant que chaleureux. « Ce que j’aime dans mon métier que j’exerce depuis quinze ans, c’est le contact avec la clientèle, de pouvoir aiguiller nos invités, de leur rendre service en les conseillant au mieux, notamment concernant nos vins », nous confie ce fringant trentenaire. « C’est un métier passion, extrêmement dur mais je ne voudrais en changer pour rien au monde. »

Avec l’aide de son associé Alexandre Schweitzer, chef-cuisinier depuis longtemps de cette belle adresse liégeoise, Dimitri accueille une clientèle fidèle et diversifiée. « Cela va des repas d’affaires aux dîner de famille », sourit celui qui a la passion du service chevillée au corps. « Au Robertissimo, nous avons la chance d’avoir de nombreux clients réguliers et fidèles mais aussi des gourmets qui viennent depuis la Flandre et les Pays-Bas. »

Le Bib Gourmand du Guide Michelin obtenu juste avant la pandémie n’est sans doute pas étranger à la venue de contrées plus lointaines d’amateurs de bonne chère. L’atmosphère à la fois feutrée et chaleureuse qui règne dans ce paradis des saveurs est un autre atout qui convainc aisément les plus indécis. « Nous avons d’ailleurs réduit notre nombre de couverts, passant de cent à septante », nous précise Dimitri. « Avec le confinement, nous avons eu huit mois pour y réfléchir et cette évolution est positive, permettant un service de qualité dans un cadre un peu plus intimiste. »

Au Robertissimo, la carte change toutes les saisons alors que les suggestions sont renouvelées tous les trois ou quatre jours et que des menus spéciaux sont concoctés aux traditionnelles occasions. « Même si nos menus varient plusieurs fois par an afin de pouvoir, notamment, travailler les produits de saison, certains de nos plats depuis longtemps à la carte n’en bougeront pas. C’est aussi cela notre signature », nous explique cet amateur de belles boutanches. Ainsi, les croustillants de scampis, les fondus au parmesan, le dos de cabillaud rôti au beurre blanc et l’entrecôte de bœuf servie en tagliata continuent de séduire les habitués – et les autres ! – alors que quelques nouveautés viennent orner une nouvelle carte qui a fière allure.

Parmi les propositions du chef, le ravioli aux rillettes de poisson et langoustines poêlées ainsi que l’œuf mollet frit ont les préférences du patron pour les entrées. « En plat, mon cœur balance entre le risotto carnaroli et le pluma ibérique. Et en dessert, rien de mieux que le cramique façon pain perdu ou la tartelette aux pommes », nous avoue Dimitri dont le restaurant propose de jolis flacons. « Nous avons une centaine d’étiquettes dont la majorité proviennent d’Italie et qui sont accessibles à toutes les bourses, les prix allant de 25 à 380 euros. »

Une belle adresse, fidèle à son ADN mais pas figée, à (re)découvrir alors que les règles concernant l’Horeca commencent à s’assouplir. Bon appétit !

Thiebaut Colot

Crédit photos : Robertissimo

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Portraits Sport

« Vacances » romaines : un marathon dans la mythique capitale transalpine

Avec l’apparition du Covid, l’engouement pour le « running » s’est accéléré et certains ont même franchi le pas de partir disputer des marathons à l’étranger. Ce fut le cas, en septembre dernier, de Marine et Laura Minguet, deux jeunes Liégeoises qui se sont envolées pour Rome pour se frotter à la distance mythique.

Lorsque le Covid est apparu en mars 2020 et a paralysé des pans entiers de la société, faisant fermer les salles de fitness et mettant à l’arrêt des sports collectifs, de nombreux sportifs amateurs se sont tournés vers la course à pied pour garder la forme ou se vider la tête après une journée de télétravail. Un engouement pour le running qui s’est accéléré avec la pandémie et qui ne semble pas ralentir, de nombreuses études en attestent. Coureurs confirmés ou sportifs du dimanche, tous prennent plaisir à avaler le bitume, seuls ou entre amis, et n’hésitent plus à se lancer de colossaux défis et à repousser leurs limites. Ce fut le cas de Marine et Laura Minguet, deux sœurs originaires de Louveigné qui, en famille, sont parties à Rome s’exercer sur la distance reine.

 « C’est à Boston que nous avions eu cette idée avec Jules, mon compagnon. Nous étions arrivés le jour du marathon et cela nous avait vraiment donné envie – nous aimions déjà bien courir mais quinze kilomètres, c’était alors notre maximum (rires) – et nous nous étions promis de réaliser cela ensemble un jour », commence Marine Minguet, l’aînée de la famille. Le confinement étant passé par là, la jeune kiné a profité de la nature de Louveigné pour se plonger plus sérieusement dans le running et l’idée du marathon a alors resurgi. « Nous nous sommes un peu renseignés et notre choix s’est porté sur Rome car un marathon aux USA coûte un pont et c’est très difficile d’y avoir une place. En plus, la capitale italienne est l’une des villes que nous préférons en Europe. »

Un exploit familial.

Les deux tourtereaux ne se lancèrent pas seuls dans l’aventure romaine puisqu’ils rallièrent à leur cause Laura, la sœur cadette, et Mimi Burhenne, la maman. « Depuis qu’elle a arrêté le basket, maman court dans un groupe à Liège. Elle disait qu’elle ne ferait jamais de marathon à son âge mais s’est finalement décidée deux ou trois mois après nous. Ma sœur a aussi fini par s’inscrire, sûrement motivée par les séances collectives », poursuit Marine qui s’est préparée avec sérieux pour boucler cette distance mythique. « Nous avons beaucoup couru avant en allongeant les distances petit à petit. Avec Jules, nous avons également fait très attention à notre alimentation les deux mois précédant la course et avons stoppé l’alcool un mois avant. Mais nous nous sommes bien rattrapés à Rome les jours qui ont suivi (rires). »

« Un musée à ciel ouvert et un départ à l’aube »

Mi-septembre, voilà toute la petite famille qui embarquait en direction de Rome-la-Magnifique. « J’y étais déjà allée lorsque j’étais petite et je me souvenais que c’était très beau mais la voir avec des yeux « d’adulte » est encore différent. J’ai pu me rendre compte que tout est toujours aussi impressionnant, si pas plus. Et il faut reconnaitre que courir dans un musée à ciel ouvert comme l’est cette ville rend le moment plus agréable », enchaîne l’ainée de la famille. Néanmoins, la souffrance ne s’estompait pas malgré la beauté environnante. « Beaucoup de choses m’ont traversé l’esprit durant l’épreuve mais j’étais avant tout hyper heureuse d’être là et de vivre ce moment. Pour éviter la chaleur, le départ fut donné à l’aube ce qui offrait un côté très théâtral à cette expérience. Les vingt-cinq ou trente premiers kilomètres sont passés relativement vite – si tant est que je puisse dire cela – en déambulant dans des endroits magnifiques. C’est à partir du trentième kilomètre que cela s’est compliqué. Nous n’avons pas échappé au fameux « mur », la chaleur a commencé à se faire ressentir, la fatigue aussi. »

Quand les jambes commencent à ne plus répondre, c’est la tête qui doit prendre le relais. « Cela se joue au mental, uniquement » nous confirme la jeune Liégeoise. « Arrivée au quarantième kilomètre, j’étais tellement heureuse que je n’ai pas pu m’empêcher d’accélérer – autant que faire se peut après une telle distance bien sûr », rigole Marine qui franchissait la ligne d’arrivée main dans la main avec sa sœur. « J’ai d’abord ressenti du soulagement d’enfin couper la ligne mais surtout une très grande fierté. C’était très fort en émotions, j’ai d’ailleurs versé quelques larmes (rires). J’ai effectué tout le parcours avec ma sœur, ce fut d’une grande aide. Nous nous sommes soutenues mutuellement dans les moments les plus difficiles et je pense que nos blagues et anecdotes nous ont bien aidées l’une et l’autre. »

« Mon petit exploit personnel »

Après 42,195 kilomètres, la fierté et la joie étaient immenses. « C’est la chose la plus dure physiquement que j’ai réalisée mais aussi la plus belle à mes yeux. Cela m’a apporté un sentiment que le sport collectif en général ne m’apportera jamais – même s’il m’apporte beaucoup d’autres choses – et c’est mon « petit exploit personnel ». Revoir les photos et vidéos me procurent encore des frissons. L’arrivée fut vraiment intense. Y retrouver mon chéri, qui avait fini bien avant moi, et nous dire que nous l’avions fait après en avoir parlé et s’être entrainés pendant des semaines, c’était juste trop cool », continue Marine. « C’était vraiment fort de vivre cette expérience en famille avec papa comme photographe/ravito sur le parcours. Je pense que nous nous en souviendrons toute notre vie. Et que dire de maman qui affirmait être trop vieille et qui a bouclé le parcours comme une fusée avec le meilleur temps de nous quatre ! »

Des souvenirs exceptionnels qui resteront gravés dans la mémoire des sœurettes. « Cela pourrait être un souvenir douloureux mais il est vrai que mon corps a déjà oublié tout cela. Ce fut mon premier exploit sportif et j’ai plaisir à dire que j’en garde un sentiment de fierté énorme. Nous l’avons fait en famille et ce fut le premier marathon pour chacun, cela apporte une dimension émotionnelle encore plus forte. J’ai déjà hâte de rattacher mes « joggings » et de partir m’entrainer pour un prochain » conclut Laura, la plus jeune des deux héroïnes.

Thiebaut Colot

Crédit photos : DR